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Dolorès LYOTARD

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/1992  au 30/06/1998

Direction de programme : L'autographe ou l'oeuvre et son exercice biographique

Résumé : Notre époque a prononcé le congé de l'auteur: moins père qu'orphelin de ses oeuvres. La figure de l'auteur ne subsiste que dans le geste « autobriographique » d'une signature qui manifeste et ratifie cette résiliation. Mais si elle défait l'appropriation, la signature maintient un rapport, qu'on dira de cession, de dette et de don, dont le calcul opère en toute oeuvre. L'« autographe » est pour nous ce geste d'auteur qui nomme l'oeuvre, le nom d'un désoeuvrement actif qui anime l'écriture et participe à l'élaboration de son style. Il y a ainsi, hors de l'oeuvre et nécessaire à elle, une « matière biographique » qui est ce dont l'oeuvre s'empare et qu'elle épuise. Car signer requiert la puissance déictique du corps « propre », lequel seul marque, mais ne vaut que dans l'exercice qui l'aura sacrifié au bénéfice du nom incarné qu'est toute signature. Ce sacrifice n'est pas sans analogie avec le mystère de l'Incarnation : ce qu'on appelle « la vie », l'existence biographique, se relève de sa précarité en se sacrifiant à l'être d'écrire; l'être d'écrire s'autorise d'être contresigné par l'existence qu'il sacrifie. C'est pourquoi l'« autobiographie » est en somme la phrase-limite de toute écriture. Qui écrit sa vie s'en sépare, fait de cette séparation voeu ou vocation. Cette séparation, Barthes la nomma « Exercice », pratique ou conduite spirituelle, par quoi l'écrivain livre son secret à l'« estrangement » de l'oeuvre. A partir du modèle que sont Les Confessions de Saint-Augustin, notre travail tentera de montrer comment opère ce motif de l'« autographe » dans certains textes (Kafka, Flaubert, Tsvétaeva, Simon, Roubaud...)