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Nadia TAZI

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2007  au 30/06/2013

Direction de programme : Politiques de la virilité en Islam

Résumé : «  L'homme est un chef naturel » dit Ibn Khaldoun «  il est fait pour commander puisqu'il est le représentant de Dieu sur terre ». Il s'agit de questionner dans un premier temps les présupposés métaphysiques et politiques de cette instanciation califale, à partir de la pensée de l'historien et de ses enracinements théoriques.
En dressant une typologie du genre masculin, on montrera les incidences de la norme virile sur la politique qu'à la fois elle structure et met en crise. Ainsi de la fitna, ou de l'anarchie couronnée des tribus bédouines dans l'Arabie pré-islamique en particulier, qui présente le type même de la virilité aristocratique, et dont l'imaginaire insiste en dépit de sa condamnation par l'islam et de l'hétérogénéité du milieu désertique. Ainsi du despotisme, dans sa configuration ottomane, reconsidérée à partir de Montesquieu, Bodin, Machiavel, comme des chroniqueurs impériaux, et au regard des thèmes de la souveraineté et de ses insignes, de la conquête, du gouvernement domestique. Dans le masculin enrevanche consonnent les points d'équilibre des centres liant idéalement les sujets à eux-mêmes et à leur souverain selon la Loi du juste milieu ; et cet ordre de concordances réglées sera approché avec Aristote, Farabi, Ghazali, Ibn Arabi. Il s'agit également d'aborder sous cette enseigne des questions disputées comme l'impeccabilité du prophète, le voile, le paradis, selon la dogmatique et les interprétations des philosophes et des mystiques; et de s'interroger sur les fondements théologico-juridiques et sur les valeurs de la siyasa ( du gouvernement de la maison et de l'État).
Qu'elles impliquent des régimes autoritaires ou des involutions islamistes, les crises contemporaines qui dévastent cette région du monde seront appréhendées dans un second temps, d'une part à partir des dominations (post) coloniales et de leurs connotations virilistes dans la mise à nu des rapports de force géopolitiques : on se penchera notamment sur les conflits armés, leur spécularité immanente à la rivalité viriliste, et l'écart qu'ils manifestent entre la sophistication des moyens et les pathologies machistes des fins. D'autre part, on abordera les désarrois identitaires affectant prioritairement les modèles de genre ordinaires, et les schèmes dyschroniques et disjonctifs qu'ils instruisent, aussi bien dans les dogmes patriarcaux que dans les appels populistes : on s'attachera en particulier aux ostentations et aux torsions virilistes des nationalismes modernes. Avant de mettre en évidence les composantes post-modernes des idéologies islamistes mêlant dans leur imaginaire hybride la réconciliation avec soi, une revanche sur la toute-puissance des maîtres (des pères, des despotes, de « l’Occident » ) et des pratiques de monstration et de liaisons congruentes avec l'ordre mondialisé. On conclura sur la centralité de la question de la femme comme enjeu politique principal au croisement des diverses modalités du viril, et des destitutions politiques qu'elles opèrent pour I'ensemble du corps social.