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Léna SOLER

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2001  au 30/06/2007

Direction de programme : L'incommensurabilité des théories physiques : nature et conséquences épistémologiques

Résumé : L'idée que certaines théories scientifiques traitant du même objet sont incommensurables, introduite par Kuhn et Feyerabend dans les années soixante, a suscité de très nombreuses polémiques, souvent plus passionnées que rigoureuses. La nature même de ce dont il est question demeure un objet de débat, certains contestant jusqu'à l'existence de quoi que ce soit qui s'apparente à l'incommensurabilité, notamment la question de savoir si l'incommensurabilité interdit le réalisme et implique le relativisme, restent en attente d'être clarifiées à partir d'une caractérisation précise, appliquée à des épisodes historiques concrets, de ce qui est en jeu.
On vise à reconsidérer de manière aussi distanciée que possible ces sujets controversés. Le point de départ correspond au point d'arrivée de la recherche kuhnienne sur l'incommensurabilité, peu connue en France. Dans les dernières décades de sa réflexion, Kuhn finit par voir dans l'incommensurabilité une conséquence du fonctionnement holistique du langage dans lequel s'exprime toute théorie scientifique. Dans le même mouvement, il reconnaît inadéquates les théories du langage dominantes dans le monde anglo-saxon, et s'emploie à développer une théorie du langage alternative appropriée.
L'idée est qu'il a manqué à Kuhn, pour penser l'incommensurabilité, une théorie structurale de la signification apparentée à celle qu'a le premier développée F. de Saussure au début du siècle. Sur la base de cette hypothèse l'on se propose, armé d'une semblable théorie, de réexaminer la nature et les implications épistémologiques de l'incommensurabilité, et pour ce faire :
- de partir d'une caractérisation générale de l'incommensurabilité, inspirée de celle du « dernier Kuhn » (impossibilité de superposer les deux structures lexicales correspondant à deux paradigmes physiques incommensurables), mais reconsidérée et affinée à la lumière d'une théorie structurale de la signification.
- de mettre à l'épreuve cette caractérisation, en l'appliquant à divers couples de théories physiques réputées incommensurables, tout d'abord indépendamment de la question de savoir si ces théories sont (plus ou moins) efficaces ou, a fortiori, (plus ou moins) vraies.
- de discuter les répercussions de l'incommensurabilité sur l'ontologie (possibilité ou non de maintenir fixes certains référents en dépit des changements révolutionnaires de paradigmes) et, ce faisant, de spécifier les liens entre incommensurabilité et réalisme.
- enfin, d'examiner si deux théories physiques incommensurables peuvent ou non être comparées (et si oui, eu égard à quels critères de comparaison et jusqu'à quel point) ; ce qui revient à demander si l'incommensurabilité implique le relativisme.