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Elise LAMY-RESTED

Ancien(ne) Directeur de programme du 01/07/2016  au 30/06/2022

Direction de programme : La politique de la religion

Résumé : Si depuis la constitution de 1789, la politique est, apparemment, séparée de la religion, on assiste aujourd'hui à un enflement des revendications religieuses qui prétendent mettre en question ce qui a constitué – et constitue toujours – le fondement de notre République laïque. Enseignante en philosophie dans le secondaire, ces formes de revendications sont même presque devenues mon lot quotidien. Mais bien loin de brandir la laïcité ou de recourir aux Lumières pour tenir à distance toute forme de religieux, je me proposerais dans mon séminaire – « La politique de la religion » – de questionner sérieusement le bien-fondé de ces revendications en m'appuyant essentiellement sur la philosophie de Jacques Derrida qui, à la toute fin des années 80, dans une conférence publiée dans le livre Force de loi, interrogeait déjà « le fondement mystique de l'autorité » et l'acte de foi sur lesquels se construit nécessairement la politique. Cette réflexion est encore approfondie dans Foi et savoir, où la politique est cette fois explicitement et directement liée à la question de la religion. C'est ce texte dense, complexe et stratifié qui constituera le cœur de mon projet. Après l'avoir réinscrit dans l'histoire de la philosophie de la religion, j'en tenterai le décryptage non seulement dans un but théorique, mais aussi dans un but éminemment pratique, puisqu'il s'agira à terme de me donner les bases théoriques de la construction de projets pédagogiques autour de ce thème. Si Derrida tente d'abord dans ce texte de se confronter à la question du « retour du religieux », déjà très médiatique dans les années 90, il apparaît néanmoins assez rapidement qu'il tente en fait de répéter, dans son contexte déjà marqué par de telles revendications, le geste de Kant dans La religion dans les limites de la simple raison. Or, pour Derrida, répéter est toujours déconstruire pour ré-inventer. La séparation kantienne entre la foi et le savoir ou la science puis entre la « foi réfléchissante » et la « foi dogmatique », sont ainsi inquiétées jusqu'à ce que le philosophe retrouve au fondement du savoir et de la science un acte de foi dépourvu de savoir. Notre République laïque soi-disant fondée sur la science serait en fait un autre visage de la chrétienté et la « mondialatinisation » toujours en cours, un processus dépendant d'un acte de foi qui n'a rien de réfléchissant. En suivant toutes les inflexions de sens que Derrida fait subir à la religion, j'en viendrai à tenter de repenser, de manière je l'espère inouïe, le « théologico-politique » ou « la politique de la religion ».