Tabou (2)

24-01-2018

Nous savons qu’il existe entre le dieu et l’animal sacré (totem, animal de sacrifice) des rapports multiples ; 1° à chaque dieu est généralement consacré un animal, parfois plusieurs ; 2° dans certains sacrifices, particulièrement sacrés, c’est précisément l’animal consacré au dieu qui lui est offert en sacrifice ; 3° le dieu est souvent adoré ou vu sous les traits d’un animal ; et même longtemps après le totémisme, certains animaux sont l’objet d’un culte divin ; 4° dans les mythes, le dieu se transforme souvent en un animal, dans la plupart des cas dans l’animal qui lui est consacré. Il semblerait donc naturel d’admettre que c’est le dieu lui-même qui était l’animal totémique, dont il serait né à une phase de développement supérieure du sentiment religieux. Mais nous échappons à toute discussion ultérieure, en admettant que le totem lui-même n’est qu’une représentation substitutive du père. Il serait donc la première forme de cette substitution, dont le dieu serait la forme plus développée, dans laquelle le père a recouvré les traits humains. Cette nouvelle création, née de la racine même de toute formation religieuse, c’est-à-dire de l’amour du père, n’a pu devenir possible qu’à la suite de certains changements essentiels survenus au cours des temps dans l’attitude à l’égard du père, et peut-être aussi à l’égard de l’animal.

(Totem et tabou, Sigmund Freud, 1913).