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Marie-Claire CALOZ-TSCHOPP

Ancien(ne) Directeur de programme Suisse  du 1/07/2010  au 30/06/2016

Direction de programme : Reconceptualiser l'exil (philosophie et citoyenneté contemporaine)

Résumé : Le programme d’enseignement, de recherche international, interdisciplinaire, inter-expériences se situe sur le terrain de la migration, terrain privilégié mais non exclusif de lecture et d’analyse des transformations en cours (avec des professionnels de la santé, du social, du monde du travail, du droit, du service public, de l’enseignement, etc., des migrants exilés d’aujourd’hui et aussi des exilés du monde du travail et de l’appartenance politique au sens large). Il vise à « reconceptualiser l’exil » Dans le monde contemporain, les exilés n’ont pas seulement vécu des expropriations de leur terre, des conditions de travail de surexploitation et de précarité, le chômage, la faim, l’éclatement de leurs liens familiaux et amicaux, l’exil mais ont fait souvent l’expérience de la clandestinité, de perte de protections et de droits, des camps, de la prison, de la torture, des politiques dissuasives, répressives d’immigration et du droit d’asile avec des mesures de « non entrée en matière », de contraintes, d’enfermement, de « renvois forcés » , d’expulsion.
A ces transformations des conditions d’existence et du pouvoir, il faut ajouter les transformations de la guerre et la présence de multiples formes de violence de plus en plus extrêmes (génocide, tortures, violence bureaucratique et policière banalisée et aussi désapropiration et violence des mots) qui mettent en danger la philosophie, la politique et mettent en cause la possibilité même de pouvoir imaginer, se représenter, penser la politique. La situation de violence et du devenir politique est « tragique » (Balibar). Il y a de multiples manières d’être exilé.e et de lutter pour le des-exil. Ces faits nous amènent à déplacer la perspective habituelle de nommer, de représenter, de conceptualiser l’exil et à imaginer, en envisageant une reconceptualisation du concept dynamique et de résistance (exil-des-exil) mis en regard avec ces transformations, pour intégrer des situations nouvelles de mise à l’écart des « sans-part » (Rancière) et d’une réflexion nouvelle sur la citoyenneté transnationale. On peut dire que d’un certain point de vue, le projet s’inscrit dans la recherche d’une épistémologie de nouveaux savoirs (Ivekovic).
Le programme s’inscrit dans un contexte et les traces d’une longue expérience d’enseignement et de recherche philosophique articulé à un travail individuel et collectif de citoyenneté en Suisse, en Europe, en Amérique latine et plus récemment au Maroc. La pratique philosophique, la direction de recherches interdisciplinaires a impliqué la mise en place d’actions et de réseaux à renforcer. La dernière étape en a été un colloque international organisé à l’Université de Lausanne en avril 2010, dont les Actes sont à paraître (début 2011) sous le titre suivant : Colère, Courage et Création politique.
Tout au long de ces années, les thèmes de réflexion philosophique, des notions, des concepts ont émergé des faits et des pratiques sociales elle-mêmes. Ils ont ainsi été mis en rapport avec des auteurs de la tradition philosophique dont Hannah Arendt qui a fait l’objet d’une thèse, Les sans-Etat dans la philosophie de Hannah Arendt. Les humains superflus, le droit d’avoir des droits et la citoyenneté. Parmi les nombreux auteurs de divers domaines avec qui j’ai travaillé citons Colette Gullaumin, Cornelius Castoriadis, Nicolas Busch, Abdelmalek Sayad, Etienne Balibar, Bertand Ogilvie, Sandro Mezzadra, Ranabir Samaddar, André Tosel, Marcelo Vignar, Anne Amiel, Rada Ivekovic, Jean Batou, Brigitte Fichet, François Rigaux, Jean-Yves Carlier, Urs Marti, Luc Legoux, Christophe Tafelmacher, Barnita Bagchi, Christiane Vollaire, Janine Altunian, Karim Abboub, Gabriela Tejada, Sonia Vargas, etc. Les publications individuelles et collectives tout au long de 40 années montrent le fil rouge de tentatives de constructions conceptuelles pour décrire, analyser, interpréter, juger des situations de transformation de la politique et de la guerre. A ce niveau, l’exil considéré depuis les politiques de la migration, du droit d’asile et aussi depuis d’autres situations de désafiliation (Castells) sont des lieux privilégiés d’observation. Ils font partie des laboratoires de dispositifs, d’outils, de discours et d’expériences politiques et philosophiques à la fois intimes, privées, publiques. En observant étroitement les politiques d’immigration et du droit d’asile et d’autres secteurs des politiques publiques tout au long de ces années, il m’apparaît fondamental de mettre en lien un questionnement sur la migration, les pratiques de desafiliation avec une reconceptualisation de l’exil à l’épreuve de nouvelles formes de domination et en l’inscrivant dans la citoyenneté transnationale et locale. Des axes de travail sont brièvement évoqués dans le projet. Le programme permet de renforcer des réseaux existants en Suisse, en Europe, en Afrique du nord, en Amérique latine.