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Vittorio MORFINO

Ancien(ne) Directeur de programme Italie  du 01/07/2016  au 30/06/2022

Direction de programme : Sur la temporalité plurielle dans la tradition marxiste

Résumé : Je pense conduire le travail sur la temporalité plurielle à travers un double mouvement : historique et théorique. Avec le premier je veux exhumer une tradition matérialiste capable de me fournir les instruments conceptuels pour penser de façon rigoureuse la temporalité plurielle et son profond enjeu antimétaphysique : Lucrèce, Machiavel, Spinoza, Darwin. On pourrait dire aussi : inventer une tradition, car il s’agit en réalité d’une tradition très hétérogène : un poète latin, un secrétaire florentin, un philosophe juif hollandais et un naturaliste anglais. Tradition sans continuité, sans filiation linéaire, ni appartenance à un même domaine, tradition seulement dans la mesure où elle fournit le système des catégories nécessaires – sur le plan ontologique, physique, biologique, historique ou politique – pour penser la question de la temporalité plurielle à l’intérieur de la tradition marxiste, en en déplaçant les rapports de forces internes. Avec le second je veux retravailler la tradition marxiste envisageant la problématique de la temporalité plurielle. La pensée de Marx d’abord, de certaines pages jusqu’aux recherches historiques et anthropologiques du vieux Marx où apparait une conception multilinéaire de l’histoire. En second lieu, j’entend mener une lecture à ‘rebrousse-poil’ de la tradition marxiste, en isolant, dans des périodes différents, l’émergence de la question de la temporalité plurielle : dans le Bloch de L’héritage de notre temps, dans le Cahiers de Gramsci, dans la production littéraire de Pasolini; dans l’Althusser de Lire le Capital; et enfin dans les recherches des Postcolonial Studies, en particulier des Subaltern Studies. Il ne s’agit pas d’un ensemble homogène : il faudra reprendre donc tout cela d’un point de vue historique, en relevant chaque fois les raisons théoriques, politiques et idéologiques conjoncturelles de l’émergence d’un tel thème, ainsi que les racines philosophiques, mais aussi se doter d’une rigoureuse instrumentation conceptuelle capable de tracer des lignes de démarcation par rapport à la tentation postmoderne de proposer une théorie de la temporalité plurielle faible, incapable de saisir l’articulation complexe des temps. Entre les deux mouvements s’instaure évidemment une circularité. Car s’il est vrai que la demande marxiste construit cette tradition a posteriori, il est vrai aussi que la réponse rétroagit avec cette même tradition marxiste, en rendant visible ce qui ne l’était pas avant ou ce qui l’était seulement de manière partielle et confuse.